Maxime Rousseau, Marine Vilariño Fostier, Pablo Chavez Romero,Andréas Decaestecker, Otman Tarfi
2017 - ULB - BA3 Physique
La condensation est un processus utile dans divers domaines, en particulier pour la recolte d'eau, les tours de distillation, les chauffages à condensation ou les climatiseurs. L'optimisation du processus de condensation met en jeu la maximisation d'un premier processus, la formation de goutelettes par transition de phase gazeuse a liquide ou solide, puis une étape d'évacuation de celles-ci suivie de leur stockage. Joanna Aizenberg et ses collègues ont développé un système de condensation performant conçu de façon innovante (en s'inspirant de phénomènes existant dans la nature) en se basant sur les surfaces géométriques courbées qui facilitent la condensation, et l’utilisation de pente incorporant une surface de moins en moins courbée pour évacuer les gouttes du point de condensation, tirant ainsi profit du fait qu’une goutte tend à se déplacer spontanément de l’endroit plus courbé à moins courbé.
Introduction
La condensation est la transition d’état qui s’effectue lorsqu’une substance passe d'une phase gazeuse à celle de liquide ou solide.
Depuis longtemps, la condensation se présente comme une alternative pour l’accès à l’eau. En effet, selon une étude faite en 2005 en Polynésie française, la récolte d’eau de rosée pendant la saison sèche raportait jusqu'à 560 litres par toit de 100m². Il s’agirait donc d’une ressource hydrique supplémentaire, parfois essentielle. Mais les avantages de l’exploitation de ce phénomène naturel ne s’arrêtent pas là: il est fondamental pour les climatiseurs, les tours à distillation, les chaudières à condensation. Ces dernières ont un rendement très important pour une consommation de combustible réduite permettant ainsi de réduire la consommation energétique et les émissions de gaz a effet de serre (dont le CO2). Ainsi, par des soucis d’ordre économiques, écologiques et sociaux, une exploitation rentable à grande échelle du phénomène de condensation est intéressante. De ce fait, une équipe de chercheurs s’est penchée sur la question du contrôle de la condensation goute à goute en ayant pour objectif sa maximisation qualitative et quantitative.
Le contrôle de la condensation met en jeu la maîtrise de deux processus: La formation de gouttelettes (condensation) puis le transport et la récupération de celles-ci permettant ainsi de réitérer le processus. L'implication de deux étapes distinctes dans le processus de condensation nécessite des configurations spécifiques à chacunes d'elles dans le système de condensation complet. Cependant, lors de la conception d'un système optimal il faut tenir compte du fait que l'amélioration simultanée de chacun des processus peut s'avêrer paradoxale (si une surface est conçue pour déclencher une augmentation de la condensation de l'eau, la surface aura également tendance à retenir l'eau condensée). Aussi, l'évaluation de la compatibilité des différentes méthodes possibles est requise afin d'obtenir la combinaison la plus performante.
Joanna Aizenberg et ses collègues ont ainsi conçu un système globalement performant dont l'innovation fut l'inspiration du processus de condensation en milieu naturel. En effet, la condensation est un processus couramment utilisé par certaines espèces telles que les araignées (avec leur toile), les coléoptères du désert, les cactus,…
Ainsi les caractéristiques biologiques en milieu naturel pertinentes à la condensation sélectionnées par l'équipe et reproduites dans leur système sont: La topographie à relief millimétriques convexes du dos des scarabées du désert qui optimise la croissance rapide et localisée des gouttelettes, la pente asymétrique présente dans les épines de cactus qui permet l'évacuation des gouttelettes et le revêtement glissant dans les plantes carnivores qui permet un transport des gouttelettes et dont la friction négligeable.
[1] : biomimétisme à l'oeuvre
Géométrie des bosses
D’après plusieurs études zoologiques, le dos de plusieurs espèces de scarabées a la capacité de faciliter la condensation de la vapeur d’eau. Leur dos est notamment recouvert de cire hydrophobe. Cette faculté est une certaine adaptation aux milieux où l’eau se fait rare (zone aride).
[2] : Dos des scarabées du désert de Namib
On a toujours pensé que ce qui permettait aux scarabées de récolter l’eau par condensation sur leur dos était associé à la composition chimique de celui-ci (notamment hydrophobe). De plus, on ne songeait même pas à ce que ces bosses convexes y jouent un rôle si important car d’après certaines études antérieures, la forme concave est nettement plus intéressante pour condenser l’eau. Cependant, ces études ont été réalisées à l’échelle du micromètre et du nanomètre. C’est bien là que l’on voit que la comparaison n’est pas directe, car comme on peut l’observer, les bosses convexes sont de l’ordre du millimètre. On suppose initialement dans cette étude que la topographie des surfaces présentant des bosses convexes peut à elle seule déjà faciliter le processus de condensation. Bien entendu, il faut d’abord vérifier cela par l’expérience. Les chercheurs ont premièrement tenté de comparer une surface plate et une surface contenant des bosses sphériques de quelques millimètres modelées à l’aide d’une imprimante 3D. Bien sûr, pour éliminer le facteur composition chimique, ces deux plaques ont été faites entièrement en aluminium (bosses comprises). Ces plaques ont été placées dans une mini-chambre humidifiée à la vapeur d’eau. Le but est de mesurer la taille maximale des gouttelettes formées.
[3] :Comparaison taille des gouttes sur surface courbe et plate
Pour un même temps et une même position sur les deux plaques, les gouttes formées au sommet des bosses étaient significativement plus grosses.
Les chercheurs ont tenté de voir si le rayon de courbure avait une implication dans le processus de condensation (notamment mieux localisé le flux vapeur à l'apex des bosses). Pour ce faire, ils ont imaginé un modèle mathématique. Ce modèle dit que le flux de vapeur d'eau est inversement proportionnel au rayon de courbure (k^-1). On peut le voir de façon intuitive (figure 4): Les sites de nucléation, c’est-à-dire là où les gouttes vont se former, devront partager le flux de diffusion (leurs intersections). Cependant, si la surface est courbée (avec la même distance entre les sites de nucléation), cela permettra de moins devoir partager le flux de diffusion de vapeur(l'intersection sera moindre dans le cas de la surface courbée).
[4] :Représentation du partage de la vapeur pour sites de nucléation proche
Donc plus le rayon de courbure est petit, mieux le flux de vapeur d'eau est focalisé à l'apex comme nous pouvons voir dans la figure 5 e, résultant en de plus grosses gouttes. Nous pouvons voir ici l’importance du flux de vapeur d’eau dans le processus de condensation.
Cependant, il y a une limite conséquente : A partir d’un certain moment, le taux de croissance de la gouttelette diminue. Ce moment correspond au fait que la goutte recouvre l’apex, et donc le bénéfice que donne l’apex est perdu. (Voir figure 5f) Pour pallier à ce problème, ils ont imaginé une forme rectangulaire. Il y a deux avantages à ce choix :
• Sur les bords de celui-ci, le rayon peut être bien plus petit (meilleur flux de diffusion) (Voir figure 5g)
• Une fois les goutes assez conséquentes au niveau de l’apex, celles-ci vont se grouper par coalescence pour en former une plus grosse au milieu du haut du rectangle. Ainsi, les bords seront libérés et le processus pourra continuer.
Remarquons qu’il est moins intéressant que le rectangle ait une grande largeur. On peut interpréter ceci comme le fait que si les apex des bords sont séparés d’une distance trop grande, la coalescence devient plus difficile de par le fait que les gouttes devront attendre d’être assez conséquentes pour se rassembler (se traduit par des apex qui seront trop longtemps occupés) et par le fait qu’il y a une perte de flux de vapeur au niveau de la partie plate (cela engendrera des gouttes de plus petite taille pour un certain temps).
[5] e:flux de diffusion plus important sur surface plus courbée f:ordonnée diamètre max de la goutte d'eau g: influence de largeur du rectangle
A partir d’un certain moment, la goutte sera assez conséquente pour que son diamètre dépasse la largeur du rectangle.
Evacuation des gouttes d'eau
Après avoir optimisé l’accroissement des gouttes d’eau au sommet du rectangle, l’étude s’intéresse au moyen optimal de les évacuer du site ou elles se forment, de manière à laisser de nouvelles goutes se développer. En se limitant juste à la forme rectangulaire il n’y a pas de direction privilégiée pour la chute de la goutte, elle tombe donc dans une direction aléatoire, sous l’effet de son poids. La forme rectangulaire à bords arrondis se prête à un mécanisme de transport directionnel contrairement aux précédents modèles concaves. Intuitivement une pente plate vient à l’esprit mais il est possible d’optimiser la forme de cette pente de manière à limiter « l’épinglage » de la goutte d’eau, c'est à dire éviter que la goutte ne s'arrête en chemin, par des forces d’adhésion à la surface ou imperfections de la surface.
[6] : intégration de pente au système
Pour résoudre ce problème les chercheurs se sont inspirés des épines de cactus. En effet, des gouttes d’eau se posant ou se formant à la pointe de celles-ci tendent à être acheminées vers le cactus, même avec l’épine orientée vers le bas. Les épines de cactus ont une forme conique, elles présentent donc un gradient de courbure, allant de la courbure maximale à sa pointe à la courbure minimale à sa base. Souhaitant « encourager » les gouttes à descendre la pente les chercheurs ont décidé d’implémenter une pente asymétrique, avec une courbure qui diminue, s’élargissant graduellement vers le bas de la pente répliquant ainsi la géométrie d’une épine de cactus.
[7] : les gouttes tendent à se déplacer vers la partie plus large des épines
De manière à vérifier que cette forme optimise bien l’évacuation de la goutte les chercheurs ont utilisé un programme de modélisation du système goutte/pente. Ils ont pu reproduire une pente de moins en moins courbée et estimer l’énergie du système en plaçant la goutte d’eau à différents endroits de cette pente en lui permettant de changer de forme tout en conservant son volume. Le résultat est que l’énergie est minimisée lorsque la goutte se trouve à l’endroit où sa largeur (d) est égale à la largeur plate de la pente (W), c’est-à-dire au moment où elle ne chevauche plus les bords courbés.
[8] :L'énergie du système est plus élevée quand la goutte est sur une partie plus courbée et minimisée lorsque le diamètre de la goutte=largeur de la pente
L’énergie considérée ici est l’énergie de surface de la goutte. A l’intérieur de la goutte les molécules d’eau forment des liens intermoléculaires très fort et donc favorables appelés liens hydrogène. Par contre, à l’interface eau/air ces lien favorables ne sont pas possible entre les molécules d’aire et d’eau. Les molécules d’eau préfèrent donc se lier entre elles plutôt qu’avec les molécules d’aire. Ceci veut dire que toute surface supplémentaire à l’interface est couteuse en énergie. La goutte d’eau va donc tendre à minimiser l’aire de l’interface air/eau et ainsi minimiser l’énergie de surface.
La simulation va donc mesurer les endroit ou la goutte minimise sa surface ou au contraire les endroits moins favorable de la pente ou sa surface est maximale. Il apparait alors d’après la simulation utilisée que les surfaces coniques ont bien une plus grande énergie de surface à leur pointe ou la courbure est maximale. La goutte va donc être amenée à se déplacer vers le bas de la pente ou d=W pour atteindre un état d’équilibre avec un minimum d’énergie de surface.
[9] :plante pichet dont les rebords sont couverts de lubrifiant
Bien que la position d’équilibre soit l’endroit ou diametre goutte (d) =largeur pente (W), la goutte va continuer son chemin grâce à la coalescence avec de plus petites gouttes. La goutte va de nouveau avoir un diamètre plus grand que la largeur de la pente (d>W) la forçant à se diriger vers le bas de la pente pour arriver de nouveau à l’état d’énergie minimal. Ce processus se continue jusqu’à ce qu’elle arrive finalement sur la zone plate ou elle continue de descendre grâce à son poids et à la coalescence avec d’autres gouttes.
De manière à limiter les frottements et donc à améliorer le fonctionnement des différents procédés les chercheurs se sont aussi inspiré de la plante pichet. Ces plantes en forme de pichets ont une couche glissante sur leurs bords faisant tomber les insectes dedans. Une couche lubrifiante nanométrique fixée, lisse, a donc été rajoutée à la surface de la plaque résultant à des frottements et sources d’épinglage très faibles.
Comparaison avec d'autres système
Bien sur, pour vérifier l'efficacité du système il faut le comparer avec d'autres systèmes servant à favoriser la condensation et la collecte de l'eau.
Voici une comparaison à court terme où nous voyons la taille maximale de la goutte (axe vertical) par rapport au temps (axe horizontal). Nous pouvons clairement voir la supériorité du modèle développé ainsi que l'importance de la forme des bosses (beaucoup plus important que n'importe quel autre élément! ). Après un certain temps nous voyons aussi l'importance de combiner les deux éléments du modèle. Lorsqu'ils travaillent ensemble nous voyons que la taille de la goutte grandit beaucoup plus rapidement grâce à la retroalimentation entre les deux éléments
[11] a:seule la demi-sphère(forme courbe) est incorporée b:seule la pente asymétrique est incorporée
Voyons ici l'importance de la pente pour le transport de l'eau. Comme mentionné auparavant, le fait de favoriser la condensation implique que ces mêmes éléments auront une tendance à retenir de l'eau, ce que nous voyons ici si nous n'avons pas la pente qui permet un transport efficace.
Enfin, une comparaison de l'eau collectée au long terme permet de réaffirmer notre observation, clairement le modèle permet une collecte de l'eau plus importante par rapport à une surface glissante quelconque
Applications
L'étude que nous venons de vous présenter est assez récente, (Publié en ligne le 24 février 2016) il n’y a donc pas encore d’applications concrètes de cette surface, cependant on peut facilement imaginer d’optimiser les domaines qui font appel à la condentation.
Par exemple nous avons les chaudières à condensation. Le passage de l'état gazeux à l'état liquide restitue de l'énergie, appelée chaleur latente de liquéfaction, qui serait perdue si la vapeur d'eau s'échappait dans l'atmosphère. Le rôle de la chaudière à condensation est donc de récupérer une partie de cette énergie, en optimisant la condensation nous pourrions donc récuperer plus d’énergie.
Il y a aussi les tours de distilation du pétrole qui utilise activement la condentation. On peut aussi penser au système de climatisation, désalinisation de l'eau de mer.
Un domaine important est la récolte d’eau par condentation. Cependant, une collecte efficace de l'eau doit prendre placer à l'extérieur, et les environnements naturels pourraient endomager la surface développée car celle ci entre autres n’est pas porreuse et le vent pourrai endomager le système mis en place.
Il existe déjà un procédé qui consiste à capter l’eau contenue dans les nuages avec des fillets pour l’utiliser comme source d’eau pour les besoins ménagers (eau potable) et agricoles, la quantité d’eau moyenne produite est de 3 à 15 l/jour*m^2. Il faudrait donc continuer la recherche pour essayer de combiner les aspects positifs de ces 2 méthodes. On peut aussi penser à équiper le toit ou certain murs des maisons de cette surface pour récolter de l'eau dans les pays arides.
[13] :filet condensateurs d'eau
Conclusion
Dans l’optique d'étudier plus profondément le processus de condensation et de transport des gouttes le biomimétisme a permis d’élargir le champs de recherche dans cette étude. Grâce à leur étude, la topographie et le revêtement de la surface qu’ils ont créé a permis d’optimiser le rendement de l’eau récolté. Cette étude étant assez récente il y a encore beaucoup de développement à faire pour pouvoir appliquer les bénéfices de cette surface aux appareils qui utilisent la condensation.